L’immunité

L’immunité

En utilisant et transformant les ressources de la Terre et du soleil, nous les humains avons su réaliser des prouesses technologiques. En l’espace de quelques milliers d’années, nous sommes passés d’une espèce vulnérable à une espèce dominante, vivant globalement avec un sentiment de sécurité matérielle. Pourtant, s’il est un domaine où le grand singe que nous sommes a encore peur, c’est celui de la santé. Les maladies sont, pour une immense majorité, vécues comme une malédiction, comme le résultat de hasards malheureux ou le reflet du malheur de notre condition humaine.

Les maladies sont le talon d’Achille de l’espèce, car le saut évolutif qui permettrait de s’en affranchir est encore à faire.

Pour cela, une mue intellectuelle est à vivre afin de dénouer et changer les croyances individuelles et collectives, dont le rapport entre maladie et immunité.

Au XIXe siècle se sont constitués, en occident, des croyances sur la façon dont les maladies se développent. Des croyances, reflet d’une vision du monde, du rapport à la vie des humains de l’époque ont été érigées en vérités scientifiques sur la santé. Dans un monde hiérarchique, ultra-compétitif, violent, plein de dogmes et d’interdits, les découvertes dans l’infiniment petit les ont amenés à accuser les microbes. Le coupable enfin trouvé, pour être en bonne santé, il fallait protéger notre système immunitaire. A l’image de la ligne Maginot qui devait empêcher le voisin allemand d’envahir le territoire français, la santé est devenu un champ de bataille avec comme seul objectif de détruire un adversaire avec des armes toujours plus sophistiquées.

Cette vision a eu l’avantage de créer pour un temps un équilibre. En effet, une augmentation démographique conséquente est rendue possible grâce aux énergies bon marché (le charbon et le pétrole), à l’industrialisation couplée à l’augmentation des rendements agricoles. Dans le même temps, le milieu, de plus en plus pollué, devient toxique et dangereux pour la santé.

Parallèlement, grâce à l'ingénierie urbaine et à la guerre contre les microbes, les eaux propres et les eaux sales sont séparées et permettent de créer un milieu sain. Au début du XXe siècle, l’architecture et l’urbanisme contribuent à l’amélioration des conditions de vie en ville, par la construction de bâtiments vastes, lumineux et ensoleillés. Avec les ressources énergétiques, essentiellement fossiles, abondantes et peu chères, le génie inventif humain a permis de réaliser des objets toujours plus élaborés et sophistiqués, donnant toujours plus de sécurité matérielle et alimentaire.

La chimie du pétrole apporte également sa contribution en synthétisant des molécules chimiques, arsenal guerrier contre les maladies.Des armes de plus en plus meurtrières sont élaborées pour protéger et attaquer l’autre. C’est dans ce cadre que l’immunité est comprise comme un territoire à défendre, quitte à faire la guerre. Le langage médical reflète cet héritage guerrier : « Nos défenses immunitaires sont attaqués par le virus »

Pourtant, au fond de lui, l’humain n’a pas muté, il reste un grand singe, qui protège son territoire, qu’il soit réel ou symbolique. Là où l’histoire humaine devient tragique, c’est que l’homme accompagne ses petits avec de multiples violences, qu’il pense être justifiées. Elles sont à l’origine de traumas, de souffrances profondes et de manques affectifs devenus banals et rendant ainsi l’horreur quotidienne. Elles sont ainsi niées et refoulées, faisant le lit de la somatisation et des maladies.

Or il y a une autre vision de la vie possible qui est celle de l’alliance et de la coopération. Cette approche systémique comprend le monde comme un ensemble, où les parties qui le composent sont reliées les unes aux autres. L’écologie naît ainsi. Elle désigne une science des interactions et des interrelations entre les éléments d’un système. Au fil du temps elle est devenue synonyme de protection et de respect du milieu de vie.

Cette idée appliquée à la santé fait que les microbes (et les virus) sont des partenaires et des alliés de la vie et de la santé des humains. La question n’est plus alors de se battre contre, mais bien de créer individuellement et collectivement les conditions de vie où le milieu est propice à la vie. Les maladies deviennent alors indicatrices d’un dérèglement intérieur et extérieur.

Il est alors important de réfléchir à ce qui est en souffrance et en déséquilibre dans le milieu de l’individu et du collectif.

Pour beaucoup d’humains, dressés à la soumission et à la domination, il s’agit de prendre conscience de ses souffrances, de ses manques, d’oser quitter les normes, les dogmes et de rejeter les injonctions apprises dans l’enfance. Par exemple, pour les hommes le refus et l’interdit de sentir ses émotions constitue un réel défi. Pour les femmes, celui de sentir et accepter sa puissance.

L’idée, que nous pouvons être en bonne santé naturellement, passe par l’expérience et la (re)découverte de processus d’autoguérison.

Il est possible de vivre autrement ses émotions qu’en les refoulant et les défoulant. Par exemple, il est possible de libérer le corps de toutes les tensions accumulées, en lui permettant de trembler. Ainsi les émotions perturbatrices se transforment : la peur devenant de la sagesse, la colère de la puissance et la tristesse de la joie. Accepter que nous avons, comme nos ancêtres, subi des stress et des violences est une étape importante. C’est reconnaître que nous sommes agis par des parts inconscientes, porteuses de blessures. Ces dernières viennent de l’enfance, des premiers temps de la vie, des traumas de l’âge adulte, des générations passées, et fort probablement des vies passées.

Les processus d’autoguérison sont multiples et même si l’humanité les connaît, elle les a souvent oubliés. Les méthodes d’éducation sont des dressages qui coupent de ces processus naturels et de son empathie. En étant attentif à ces mécanismes, nous pouvons repérer quand nous nous infligeons des contraintes pour soi-disant aller bien. Au XVIIe, siècle en Europe, parmi les livres les plus lus on trouve des manuels qui expliquent que pour atteindre l’extase divine, il est bon de se fouetter avec des ronces ou de se rouler dans les orties. Respecter notre nature profonde demande donc de se défaire de millénaires de soumission, de violences et de contraintes infligées aux êtres vivants non humains (minéraux, animaux et végétaux), aux humains (enfants, femmes et hommes) et aux milieux (terre, air, eau).

En détruisant notre milieu et celui des autres habitants de la Terre, nous sommes à peu près sûrs de disparaître à assez brève échéance et de manière douloureuse.

Dans une vie en lien avec le vivant, les peurs d’avoir une faible immunité ou d’attraper des maladies n’ont plus de sens. Nous retrouvons confiance, dont le sens étymologique est le suivant : « cum, signifie « avec » et fidere « fier ». La confiance nous dit qu'on remet quelque chose de précieux à quelqu'un, en se fiant à lui et en s'abandonnant ainsi à sa bienveillance et à sa bonne foi. » (source wikipedia).

Alors sentons notre confiance dans l’expérience de guérison, de découvertes de connaissances, nombreuses, fruits du brassage, des échanges et des expériences passées. Elles réactivent toutes plus ou moins des processus d’autoguérison. Parfois elles sont détournées de leur sens initial pour renforcer le contrôle et la soumission. Néanmoins, en étant vigilant à cela, elles deviennent un processus de réappropriation de sa vie, pour recréer un milieu sain, où nos actes ont un sens. Ce dernier n’est plus celui d’obéir à des autorités plus ou moins bienveillantes, mais d’entendre la voix profonde de l’être, sa propre voix.

Cette confiance nous porte à une évolution spirituelle, qui nous relie à l’esprit. Cet équilibre intérieur, cette reliance à l’âme, doit nous amener à vivre en harmonie sur cette planète.

Jean-Guillaume Bellier, juin 2021 (avec la relecture précieuse de Sophie Schmitt)

Merci à Marie-Jeanne Bricker et https://lareuniondujeudi.com